Un  »Woodstock à la française » : le festival de la prairie.

Léo Thérial, 26 ans, chanteur du groupe Shelters et président de l’association éponyme le Festival de la Prairie témoigne pour nous en 10 questions.

Sans prétendre vous l’apprendre, le festival est créé en 1974, année politique riche, où apparaît le premier secrétariat d’État de la condition féminine, une lutte contre l’inflation conséquente qui a fait passer la TVA de 20% à 17,6%. Nous assistons aussi à la mort de George Pompidou, à la publication par Gisti du petit livre juridique des travailleurs immigrés qui tente de réguler leur situation. Et c’est sans compter le dixième et dernier intérim présidentiel de l’histoire de France connu à ce jour, le tout dans une France d’après guerre d’Algérie. Ce qui fait de cette année 74 un mouvement culturel riche.

1/ Le festival, comment- a-t-il été créé ?

À Agen, un jeune appelé refusait de faire son service militaire pour des raisons morales se définissant comme pacifiste et anarchiste. Il était ce que l’on appelle un objecteur de conscience. C’était une façon civile de ne pas accomplir son service militaire, statut qui n’était que partiellement reconnu à cette époque.  »Un mec assez courageux et précurseur » donc, puisque la diffusion d’informations concernant l’objection de conscience était interdite, le statut n’étant pas accordé dans tous les cas et les affectations se faisant selon le bon vouloir de l’administration. Son choix fut refusé par celle-ci, comme dans la plupart des cas à cette période. Il reçu une grosse amende pour être allé à l’encontre de la loi. Ce n’est que vingt ans après, en 1983 qu’une nouvelle loi permettra l’obtention quasi automatique du statut et autorisera la diffusion d’informations concernant l’objection de conscience.

Mais en 74, ce mec soutenu par ses potes (dont Roger Petit) qui voulaient faire entendre leur vision pacifiste et révolutionnaire de la société décidèrent de créer un concert gratuit pour récolter des fonds qui serviront à payer l’amende et ainsi faire passer un message de paix à travers la musique.

Ce festival qui n’est autre, depuis 1974, que le Festival de la Prairie à Agen et qui depuis, n’a jamais connu d’interruption.

« La gratuité, l’auto suffisance et l’envie de promouvoir la culture. »

2/ Esthétique musicale du début et volonté de Roger ?

Ça a démarré sur de la folk, qu’avec des musiciens du coin  »des perlimpinpins folk ». Roger Petit (l’ami du jeune objecteur de conscience) a continué dans un but militant anarchiste et dans un mouvement pacifiste jusqu’en 2012 afin de soutenir les gens du coin, drainer le public, et toujours afin qu’Agen puisse bénéficier d’une scène musicale.

3/ Aujourd’hui c’est toi qui programme le festival, qu’est ce qui a fait de toi le successeur de Roger Petit ?

Léo Thérial

Ma rencontre avec Roger, date de mon enfance :  »c’est un peu mon grand-père spirituel ». Il a rencontré ma mère quand elle avait 16 ans, lors de cafés philo organisé chez lui. Trois voire quatre générations sont passées chez lui, l’endroit à la cool où l’on parle politique, philo mais surtout musique. Roger m’a vu naitre, il a accompagné mon groupe, « Shelters » depuis son début en 2007, et nous a fait joué d’ailleurs sur la scène du festival 5 ans d’affilée ce qui a été une chance et du jamais vu pour le festival.

4/ En même temps vous aviez du potentiel.

Pas du potentiel, car : « qu’est ce que c’est le potentiel ? », c’est une envie particulière qui a poussé Roger à nous mettre sur le devant de la scène. C’est un peu ce que je ressens aujourd’hui avec les artistes que je produis : une envie particulière que ce soit eux.

5/ Peut-on parler d’un  »après Roger Petit »?

LéoetRoger
Léo Thérial (tout à gauche) – Roger Petit au centre – Quentin Tournié (à droite)

Ouais, clairement, car il n’est plus là dans l’organisation déjà, et qu’on a changé pas mal de points, mais gardé l’identité tout de même à savoir  : la gratuité, l’auto suffisance et l’envie de promouvoir la culture.

La passation de pouvoir, Roger l’avait programmée à ses 85ans, il voulait une nouvelle dynamique. En 2013, Quentin Tournié et moi-même créons une asso sur la ville d’Agen nommée  »Festival de la prairie » afin de reprendre le flambeau. Aujourd’hui l’asso est composée de moi-même en tant que président et de deux amis : Lucas Astruc en tant que trésorier et Benoit Valade qui est le secrétaire. Nous essayons d’offrir de la découverte aux Agenais et soutenir la mixité, l’ouverture, comme cette année avec un groupe de Bristol. Le local supporte bien l’international et c’est ce vers quoi on veut évoluer : une mixité culturelle. C’est vrai que le combat n’est plus politique comme l’a été celui de Roger avec toute l’histoire et le contexte social de l’époque qu’il y avait, mais on garde la volonté de se battre pour la culture qui est un domaine comme partout, en crise.

 »C’est un peu mon grand-père spirituel »

6/ Et tout ça c’est gratuit, comment est-ce possible?

Aujourd’hui, la ville d’Agen nous donne une subvention de 300€, nous fourni chaises, tables, scène, barrières et l’accès à la prairie. Mais le travail de communication est considérable. Je me débrouille alors, et m’improvise manager pour trouver suffisamment de dates aux groupes, afin de leur faire une tournée européenne en échange de leur prestation sur scène. Nous avons également un soutien du Florida et de JMSON mais le festival est un pari chaque année à réaliser avec mes amis et membres de l’association.

7/ J’ai vu que les Shelters donnaient un concert gratuit en 2013 pour le don de la somme de 400€ ?

Oui c’est vrai, c’est pas mal non ?

Nous trouvons ça plutôt excellent même. Vous devriez concentrer votre com sur cet avantage d’ailleurs (rires).

8/ À la base le festival est en juin, mais depuis que tu l’as repris tu le fait en septembre, pourquoi ?

Ça aussi c’est de l’après Roger. Aujourd’hui il y a Garrorock sur ces dates qui est un festival beaucoup attendu du public Agenais, donc on a été obligé de décaler la notre. L’été c’est très chargé, on a essayé de trouver un compromis. Et puis profiter de la pub que nous fait le pruneau show a été décisif.

9/ Cette année on retrouve qui dans la prog?

Sept groupes dont six groupes Français :

PUB & CATS (Rock Garage – Marmande)

HIGHLIGHTS (Reggae Roots – Agen)

WALK IN THE WOOD (Blues Rock Indie – Agen)

DEUX BOULES VANILLE (Noise Ethnique – Lyon)

◊ F.A.M (Afrobeat – Toulouse)

PAMOLINE vs KRUTZMAKER (Trap to Techno – Agen)

Et un groupe Anglais :
SOMETHING ANORAK (Garage Lo Fi – Bristol)

10/ Donne nous envie de venir avec une phrase.

« La prairie du pont canal, c’est beau , c’est vert, c’est gratuit et c’est samedi ! »

Merci à toi Léo,

Léo Thérial

Propos recueillis par Emma Labruyere.

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